J’ai toujours pensé que les femmes n’avaient pas leur place dans les cafés publics au Maroc. N’y voyez là aucun mépris, c’est simplement un état d’esprit. Lorsque de jeunes femmes devinrent serveurs de café, je le perçus comme une offense personnelle.
Je me souviens parfaitement, au moins deux décennies en arrière, d’un après-midi dans un salon de thé à Rabat. J’avais une table à l’extérieur dans un splendide jardin.
Une jeune femme servait. Je me suis contracté sur moi-même, du mieux que permettait la décence. J’évitais de regarder dans sa direction. Une femme qui sert dans un café, oh mon Dieu !
Je me souviens parfaitement d’elle. Certainement 25 ans, une jupe noire, un chemisier, par-dessus le tout un tablier. Ses cheveux étaient courts. Était-elle belle ? Le mot qui me vient à l’esprit est celui de racée.
À une cinquantaine de mètres, au niveau de la clôture du café, je vis un homme accompagné d’une enfant de six ans. La jeune femme qui servait, déposa son plateau, ensuite se mit à courir en leur direction. Elle courait en ouvrant grand ses deux bras. Elle enlaça sa fille ainsi que son mari.
Même si cela s’est passé il y a plusieurs décennies, il m’arrive parfois, dans l’obscurité de la nuit, de voir la course de cette mère vers sa famille.
Il y aurait beaucoup à dire à propos de cette histoire, simple en vérité. Je me suis promis qu’à chaque fois que je devenais intolérant ou vaniteux, de revoir la course bras grand ouvert, d’une jeune femme courageuse, vers sa famille.
#Café #salondethé #servante #serveuse
#abdesselambougedrawi #culture #Écrivain #Maroc #écrivainsmarocains #safi #Saficulture #villedesafi