QU’EST-CE UNE MÉMOIRE COLLECTIVE ?

En lisant les écrits de quelques intellectuels, ou en parcourant quelques sites, j’observe une grande confusion entre mémoire collective, histoire collective et conscience collective. Malgré leur apparente ressemblance, ils constituent des concepts fondamentalement différents.
L’élément fondateur d’une mémoire collective est qu’elle ne saurait être que spontanée. Dans l’éventualité contraire, elle pourrait résulter d’une construction artificielle en rapport avec des raisons idéologiques, politiques, ou philosophiques.

Que pourrait être l’Histoire ?
Telle qu’elle est enseignée, l’Histoire est constituée d’un ensemble d’événements. En général, on note tout et on archive une imposante quantité d’informations et de faits. Concomitamment, on pourrait interroger des bibliothèques privées ou publiques, des fragments et des vestiges de toute nature. Par la suite, un travail minutieux et méticuleux des historiens consiste en un tri des composants par leurs cohésions pour en constituer un recueil représentatif d’une époque, d’événements, de faits…
Le résultat final est représenté par un texte qui fera partie des manuels scolaires de l’histoire. Actuellement, l’Histoire pourrait se transcrire par des moyens modernes du multimédia.
Un travail sérieux d’historien fait l’objet d’une contre Histoire au cours de laquelle des experts différents procèdent à des vérifications de ce qui a été proposé.
L’Histoire officielle peut être dévoyée
Même si elle est présente dans les manuels scolaires, même si elle passe avec succès l’épreuve de la vérification, l’Histoire pourrait malgré tout être dévoyée. Plusieurs raisons peuvent expliquer ceci :
– Les historiens, depuis le début, manipulent les faits selon leurs convictions personnelles. Ainsi, ce qui pourrait être une défaite des Français lors de la Première Guerre mondiale sera transfiguré en victoire. Lorsqu’une vérification est possible, elle ne pourrait l’être que des décennies, voire des siècles après, lorsque les passions se seront taries. Cependant, lorsque cela arrive, les événements historiques n’intéressent plus personne.
– Emprise d’une tyrannie. Quand bien même les historiens relateraient les faits avec intégrité, le dictateur demandera à ce qu’ils soient transformés en concordance avec ses désirs.
– Des événements historiques admis par tous pour leur authenticité pourraient être déformés pour correspondre avec des faits graves, tels que ceux de la guerre.
Histoire collective
En 1941, l’Allemagne nazie envahit la Russie de Staline. Celui-ci, pour galvaniser les Russes, fait appel à l’histoire ancienne des tsars, alors qu’auparavant ils étaient considérés en tant que tyrans. Staline ressuscite Boris Godounov, Alexandre Nevski, Mikhaïl Koutouzov général vainqueur de Napoléon. En ce moment précis, les Russes retrouvent une histoire collective.
Conscience collective
Après la révolution bolchevique de 1917, le tsar Nicolas II abdique. Lénine ordonne l’extermination de l’ensemble de sa famille. L’assassinat des Romanov constitue pour les Russes une conscience collective. Le moment fort de cette conscience collective est le pardon demandé par Boris Eltsine pour ce crime. La commémoration de l’assassinat des Romanov, puis leur réhabilitation, symbolisent la puissance d’une conscience collective russe réunissant des sentiments de culpabilité, de regrets, voire de contrition.
Note : En France il n’y eut aucune conscience collective concernant l’exécution de Louis XVI et de sa famille.
Mémoire collective
La guerre de sécession américaine fournit un remarquable modèle. Ce conflit marqua si intensément les Américains qu’une mémoire collective s’inscrivit dans leurs esprits. Elle s’impose dans quelques quotidiens, dans des romans, dans des films, dans des écrits.
Il y eut une mémoire collective française après la Première Guerre mondiale. On espérait, collectivement, que ce serait la der des ders. À ce moment, une mémoire collective naquit. Elle est modestement persistante lorsqu’on commémore le souvenir de quelques poilus.
Plus surprenante est la mémoire collective en rapport avec la guerre de Vendée. Bien qu’on l’étouffât, elle persiste de manière puissante en Vendée. Le film, paru en 2023, vaincre ou mourir, constitue l’un des aspects de cette mémoire. On constate que, malgré l’ampleur des massacres, la guerre de Vendée ne constitua aucune conscience collective en France.
La guerre en Vendée, bien que régionalement limitée, présente les caractéristiques d’une authentique mémoire collective. Elle est spontanée, elle est sincère, elle constitue une histoire douloureuse traversant les générations.

Pour conclure :
L’histoire telle que nous le connaissons à travers les manuels, l’enseignement, ou tout autre moyen, peut-être falsifiés de manière à correspondre à des intérêts.
Même quand elle est authentique, les circonstances, les sentiments personnels peuvent induire sa transfiguration et sa corruption.
Par conséquent, la mémoire collective, puisqu’elle est en rapport avec l’Histoire ou avec des événements du passé, peut être complètement erronée.
La mémoire collective peut servir d’alibi pour des intérêts divers, voire pour des faits répréhensibles. Ceci représente l’une des manipulations de quelques philosophes ou de quelques historiens.
Il n’est nullement question, me concernant, de porter des jugements sur la mémoire collective, sincère ou factice. Mon objectif consiste à montrer la complexité d’un sujet en apparence aisée. Ce que je vous propose est strictement didactique. Dans les réalités, les différents composants de l’Histoire sont intriqués.

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- CONTRE ANALYSE, UN ENTRETIEN AVEC FRANCIS FUKUYAMA PARU DANS LE MAGAZINE L’EXPRESS
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